Quantcast
Channel: actu.fr - Toute l'information nationale, régionale et locale.
Viewing all articles
Browse latest Browse all 19401

Grand débat national et doléances : citoyens et Gilets jaunes s'accordent en Seine-Maritime

$
0
0
En Seine-Maritime, les mairies qui ont ouvert des cahiers de doléances font le point, à l'approche du "Grand débat national" voulu par Emmanuel Macron. Les revendications collent à celles des Gilets jaunes.

En Seine-Maritime, les mairies qui ont ouvert des cahiers de doléances font le point, à l’approche du « Grand débat national » voulu par Emmanuel Macron. Les revendications collent à celles des Gilets jaunes. (©Le Pays d’Auge)

Avec le « Grand débat national » qu’il lancera mardi 15 janvier 2019 dans l’Eure, Emmanuel Macron veut que les maires relaient les revendications citoyennes. En Seine-Maritime, certains ont ouvert des cahiers de doléances dès le début des Gilets jaunes. D’autres l’ont fait en décembre, ou vont le faire en janvier. Les maires interrogés, tous volontaires, sont sceptiques sur les suites qui seront données au débat.

LIRE AUSSI : Gilets jaunes et doléances dans l’Eure : 1789 – 2018, même combat ?

Urbaines, périurbaines ou rurales, les villes de Rouen, Le Havre, Dieppe, Saint-Étienne-du-Rouvray, Oissel, Port-Jérôme-sur-Seine et Yvetot ont eu des Gilets jaunes sur leurs rond-points, depuis le 17 novembre et ont accepté de nous détailler les doléances de leurs citoyens. Pouvoir d’achat, justice fiscale et démocratie sont au cœur des propositions, qui concernent très peu les sujets de société. Tour d’horizon.

« Ça concerne tout ce qui grève le pouvoir d’achat »

« Ce qui est inscrit ne diffère pas beaucoup des revendications des Gilets jaunes », assure la Ville de Dieppe, qui précise : « Des Gilets jaunes ont écrit, mais pas que. » Nulle part il n’y est vraiment question du mariage pour tous, de la peine de mort ou de l’avortement, sujets exclus du débat par le gouvernement. Dans la ville communiste où deux ronds-points ont encore été évacués mardi 8 janvier, des « cahiers de la colère » sont à la disposition des Dieppois depuis le 16 novembre, veille du début de la contestation.

Maire LR du Havre, Luc Lemonnier résume : 

Ça concerne tout ce qui grève le pouvoir d’achat et le net à payer sur le bulletin de paie.

Depuis le début du mouvement, la question financière est centrale. « Avons-nous besoin de rappeler ce que disent les Gilets jaunes ? » interroge avec ironie Émile Canu, maire PS d’Yvetot. Il a découpé en six chapitres les 34 contributions inscrites « avec beaucoup de sérieux » depuis le 17 décembre : « Le premier, majoritaire, concerne le pouvoir d’achat, celui des agriculteurs et des retraités. Ils demandent aussi la hausse du Smic, la baisse de la CSG. » 

Ces problématiques sont celles exprimées depuis deux mois, et déjà avant. « Elles ne sont pas nouvelles, elles datent d’avant la prise de conscience des ronds-points », relève-t-on à Oissel, ville PCF. Un « cahier de doléances citoyennes » a été ouvert lundi 7 janvier en mairie. On y trouve déjà « des messages de soutien aux Gilets jaunes, à leurs revendications ». 

« Ils veulent une remise à plat de la fiscalité »

À savoir l’autre pendant du pouvoir d’achat : les taxes. « Ils veulent une remise à plat de la fiscalité, que ce soit la TVA ou la CSG », avance Virginie Carolo, maire (DVD) de Port-Jérôme-sur-Seine. « Il y a de la technicité, de vraies propositions, il faut les écouter », souligne-t-elle. Dans sa commune, le cahier mis à disposition dès le samedi 8 décembre n’a pas fait beaucoup d’émules, avant Noël, « trois ou quatre doléances ». Mais après :

Le 21 décembre, j’ai rencontré des Gilets jaunes et je leur ai dit d’y aller, qu’on ferait remonter les choses. Une vingtaine de personnes sont venues. On nous parle du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), par exemple. 

Sa modification est une des mesures phares réclamées par les Gilets jaunes : ils veulent que le CICE ne soit attribué qu’aux petites et moyennes entreprises, pas aux grands groupes. Le CICE rentre dans le deuxième chapitre d’Émile Canu, avec « le rétablissement de l’impôt sur la fortune et la lutte contre l’évasion fiscale ».

Pour Virginie Carolo, le rapport des Français à la fiscalité doit faire partie du dialogue entre élus locaux et citoyens. « Le consentement à l’impôt va avec les services publics. Nous avons des choses à expliquer, il y a un gros problème de compréhension du travail des élus », a-t-elle relevé. Ce que reconnaît Luc Lemonnier : « Les citoyens disent qu’on n’est plus capables de justifier ce qu’on leur prend. » 

« Les Gilets jaunes sont le reflet de cette non-écoute »

Le cas du Havre diffère un peu des autres villes, puisqu’une « consultation citoyenne » plus large a été lancée. Résultat, « les deux tiers des 350 messages de la plateforme numérique » concernent le local. « Cette crise est complexe et concerne un certain pan des politiques publiques de l’État mais aussi des collectivités locales », avance Luc Lemonnier. « Avant de pointer d’autres institutions, il faut aussi regarder chez nous. » 

LIRE AUSSI : Au Havre, lancement d’une grande consultation citoyenne pour donner la parole aux habitants

Le dialogue et la démocratie sont un point névralgique des doléances recueillies. « Il y a le besoin d’être mieux entendu, il y a un sentiment de mépris », pointe-t-on à Dieppe, où les 3 000 cartes postales envoyées à Emmanuel Macron en février 2018 contre « son idéologie anti-service public » sont restées « sans réponse ». Une vision partagée à Oissel, où la mairie estime que « les Gilets jaunes sont le reflet de cette non-écoute ».

Le référendum d’initiative citoyenne (RIC) est la clef de voûte des revendications des manifestants, mais pas dans les doléances. On n’en parle « pas trop » à Dieppe, « un peu » à Port-Jérôme-sur-Seine. En revanche, il y a un fort besoin « d’une meilleure expression », explique Émile Canu. Ce que complète Luc Lemonnier : 

Nous avons déjà des concertations régulières, des conseils de quartier… Il faut accélérer là-dessus. Les gens ne nous demandent pas de décider mais d’être associés à la décision.

Ce qui passe, selon les doléances, par l’instauration de la proportionnelle aux élections, la réduction du nombre de députés et sénateurs, jusqu’à la suppression de cette dernière chambre. « Pour eux, il faut tout diviser par deux », note la maire de Port-Jérôme-sur-Seine. 

« On s’aperçoit maintenant que les maires existent »

La place des élus dans les institutions et leur rôle à jouer dans le « Grand débat national » inquiète tous les élus interrogés. Tous sont « volontaires » mais s’inquiètent, comme explique la Ville de Rouen, « des contours du débat encore flous ». La mise en ligne, dimanche 6 janvier, des quatre thématiques du débat – écologie, fiscalité, démocratie et organisation de l’État – a un peu rassuré ceux qui n’avaient pas encore de cahiers.

Rouen va donc accepter de jouer « les facilitateurs » et travaillait, mercredi 9 janvier, à la mise en place des cahiers dans les mairies et bibliothèques « d’ici à la fin de la semaine ». Saint-Étienne-du-Rouvray a ouvert un cahier de doléances mercredi, pour un mois, avec « des permanences d’écrivain public pour aider ceux qui ne sont pas à l’aise avec l’écrit ». À Dieppe, on se prépare à faire « de l’hyper proximité » : 

À la mi-janvier, nous allons faire du porte-à-porte dans nos quartiers, nos halls et nos places publiques, pour entendre ceux qu’on n’a pas entendus. 

Cette position d’écoute sera partagée par tous, malgré les doutes sur la finalité de ce « grand débat ». « Je suis convaincue qu’il y a la volonté mais j’ai peur qu’on ne règle pas en quatre mois ce qu’on n’a pas réglé en 18 mois », craint Virginie Carolo, qui pointe « des faiblesses et des approximations juridiques ». La maire de Port-Jérôme-sur-Seine « attend le gouvernement au tournant », sur ce débat qui s’annonce compliquée. « Il y a autant de volontés différentes que de gens sur les ronds-points », analyse-t-elle. Émile Canu, lui, rit jaune :

Je suis sceptique car on s’aperçoit maintenant que les maires existent.

Lesquels avancent dans le vague, dans l’attente des annonces d’Emmanuel Macron. « On ne se fait pas d’illusion mais on va y aller quand même, il n’est jamais trop tard pour bien faire », ironise Dieppe. « Nous n’avons aucune préconisation ou sollicitation de l’État, central ou décentralisé », regrette Rouen : « Ça ne marchera que si le gouvernement en tire les conséquences, ce serait pire que tout s’il n’en faisait rien. »

LIRE AUSSI : Acte VIII des Gilets jaunes : à Rouen, le mouvement reprend de la vigueur, la violence s’installe


Viewing all articles
Browse latest Browse all 19401

Trending Articles