![La terrasse couverte que l'aubergiste du lac du Salagou doit détruire.]()
La terrasse couverte que l’aubergiste du lac du Salagou doit détruire. (©JMA. Métropolitain.)
Ubu s’est-il invité à l’Auberge du Lac, au lieu-dit Les Crémades, autour du lac du Salagou, sur la petite commune -229 habitants- du Puech, au Sud de Lodève ? L’histoire ubuesque ne fait pas rire, en tout cas le gérant du restaurant, Philippe Mahé, est traîné devant le tribunal correctionnel de Montpellier par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement -Dréal- d’Occitanie, s’il ne détruit pas sa terrasse couverte fermée de 160 m2 -sur les 260 m2 de l’établissement- à l’audience du jeudi 17 octobre prochain.
Les premiers ennuis de cet aubergiste ont commencé en 2012, dix-sept ans après avoir acheté l’établissement, qui offre une vue imprenable sur le lac du Salagou, entre Lodève et Clermont-l’Hérault. Devenant vieillissant au fil des ans, le restaurant avait besoin d’être rénové.
Nouvelle toiture et rideaux métalliques
En 2012 donc, Philippe Mahé décide d’engager les travaux pour changer la toiture de la terrasse, une tonnelle, avec l’installation de rideaux métalliques. Il obtient deux subventions bienvenues d’u total de 4500€, une de la chambre de commerce et d’industrie -CCI- de l’Hérault, l’autre de la communauté des communes du Lodévois et du Larzac.
En 2013, le restaurateur décide de doter cette terrasse d’appareils de chauffage et perçoit de nouveau des aides financières de la CCI Hérault et de la communauté des communes du Lodévois et du Larzac. La réputation de l’Auberge du Lac n’est plus à faire, les gourmets sont fidèles au rendez-vous. Sa cuisine fait recette. Tout allait bien, jusqu’à de premières péripéties liées à l’installation des rideaux métalliques, lors de la rénovation de la toiture et de la terrasse en 2012.
« On m’a informé qu’il aurait fallu que je demande un permis de construire, avant la pose des volets métalliques. J’ai alors demandé à un architecte de régulariser la situation, pensant, à tort, que la procédure serait acceptée et facile à concrétiser la réparation. Comme la CCI et la communauté des communes m’avaient octroyé des subventions, je croyais être en règle avec l’administration, mais, j’ai découvert que ce n’était pas le cas. J’ai donc eu un avis défavorable de la DDTM 34 », explique Philippe Mahé.
![Depuis la terrasse couverte, une vue magnifique sur le lac du Salagou]()
Philippe Mahé sur la terrasse couverte offrant une vue magnifique sur le lac du Salagou (©JMA. Métropolitain)
Convocation au tribunal correctionnel
En été 2018, alors qu’il est persuadé que ses tracas avec l’administration sont terminés, il reçoit un coup de massue. Un véritable coup dur pour la pérennité de l’Auberge du Lac. « Le 8 août 2018, j’ai reçu une convocation pour comparaître le 15 novembre, devant le tribunal correctionnel de Montpellier, avec obligation de détruire la terrasse, sur la foi d’une procédure engagée par une architecte des sites de la Dréal d’Occitanie.
Le procès a été reporté au 18 avril dernier. Une réunion a été organisée le 28 janvier à l’auberge, trois mois avant l’audience, avec un représentant de la DDTM, de l’UDA, du CAUE, de Natura 2000, de l’architecte des sites et du maire du Puech, qui, avec le conseil municipal de la commune me soutient pleinement dans cette épreuve difficile », raconte Philippe Mahé.
Avant l’audience du 17 octobre
L’architecte des sites de la Dréal dOccitaniereste sur sa position et maintient la procédure administrative et judiciaire contre l’aubergiste. Ainsi, Philippe Mahé est avisé par un huissier de justice qu’il dispose d’un délai pour détruire la terrasse et la tonnelle, avec un ultimatum fixé au jeudi 17 octobre
Il devra se présenter à l’audience du tribunal correctionnel de Montpellier avec la preuve de l’exécution de l’ordonnance de destruction de la terrasse de 160 m2.
L’architecte des sites évoque une pollution visuelle
Il ressort que l’architecte régionale des sites de la Dréal d’Occitanie s’oppose formellement à un avis favorable, parce qu’elle n’aime ni la forme de la tonnelle, ni les couleurs choisies, ni les rideaux métalliques, ni les pierres blanches fixées sur le site qui mettent pourtant en valeur les belles plantes du jardin autour de la structure de l’auberge. Elle évoque une pollution visuelle insupportable et n’accepte pas non plus, les arbres plantés sur le terrain, ni les matériaux utilisés, ni les grandes marches devant l’entrée quand on arrive du parking et ni la couleur de la façade…Elle a clairement affiché la couleur à Philippe Mahé : il faut qu’il démolisse sa terrasse pour en construire une nouvelle, avec un aménagement différent du jardin.
« Même si mon établissement tourne bien, avec une vingtaine de salariés l’été, 13 en saison hivernale, je n’ai pas les moyens pour financer ce chantier. Les banques s’opposent à un financement supplémentaire au vu de l’état des lieux de mes comptes : actuellement, j’ai plus de 200 000€ de crédit avec un taux d’endettement de 34% et un loyer mensuel de 2400€ », se désole l’aubergiste du Salagou, qui n’exclut pas de mettre la clé sous la porte.
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![Les 160 m2 de la terrasse couverte de l'Auberge du Lac.]()
Les 160 m2 de la terrasse couverte de l’Auberge du Lac. (©JMA. Métropolitain)
Courrier au Président de la République
« Ma lettre à l’ancien préfet de l’Hérault n’a obtenu une réponse. J’ai adressé des courriers à Emmanuel Macron et à François de Rugy, à l’époque ministre de l’Écologie et du Développement durable, présent pour l’anecdote, au lancement de la campagne nationale des feux de forêt avant l’été au lac du Salagou, en vain », constate, déçu, le restaurateur, d’autant que ses tracas administratifs coïncident avec l’anniversaire des 50 ans de la retenue d’eau du Salagou, fêté en grandes pompes par l’État et les collectivités régionales et départementales durant tout l’été.
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Un bien triste anniversaire pour l’Auberge du Lac, où tout est en règle désormais, y compris l’accès et la sécurité des lieux entérinés par les sapeurs-pompiers du Sdis 34. Sauf que la Dréal d’Occitanie met son véto, menaçant l’avenir économique de cet établissement.
Philippe Mahé a engagé une véritable course contre la montre pour ne pas détruire sa terrasse, synonyme de condamnation à une forte amende, au procès du 17 octobre, dont l’échéance arrive à vitesse grand V. Face à ce qu’il considère comme une injustice, il voit rouge et remue ciel et terre, comme la couleur de celle qui fait la beauté des collines du Salagou.
> L’Auberge du Lac au Salagou au Puech. Une longue histoire en quelques dates : achat par Philippe Mahé en mars 1995. Les débuts sont difficiles, du moins pendant trois ans. Puis, ça va mieux : chiffre d’affaires suffisant de 1998 à 2008 pour continuer l’aventure. En 2009, il y 8 employés l’été, 5 l’hiver. Cette année, 17 employés cet été, 13 prévus l’hiver prochain. Nombre de couverts annuels : 25 000. En mai 2016, le gérant a pu raccorder son établissement au réseau de ville de Lodève et au bassin de récupération des eaux usées moyennant le versement de 8 000€. Janvier 2017 : chemin montant à auberge entièrement refait.