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Entretien avec le président du tribunal de l'Église. Pourquoi le curé de Cahors a-t-il été « éloigné » de la cathédrale

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Michel Cambon, prêtre et vicaire judiciaire, président
de l'officialité interdiocésaine de Toulouse © J.- C. Bonnemère

Michel Cambon, prêtre et vicaire judiciaire, président de l’officialité interdiocésaine de Toulouse © J.- C. Bonnemère

Dans l’Église, les pouvoirs ne sont pas cloisonnés comme c’est le cas dans les États modernes. Ainsi, au niveau du diocèse, l’évêque concentre à la fois le pouvoir judiciaire, législatif et exécutif. Mais les pouvoirs sont séparés dans le sens où l’évêque se doit de les confier à des personnes différentes. Dès lors, l’évêque doit avoir deux vicaires ; le vicaire général chargé du pouvoir exécutif et le vicaire judiciaire. C’est en quelque sorte, le bras droit et le bras gauche !

Comment fonctionne la justice au sein de l’Église 

 La Vie Quercynoise : Quelles sont les attributions du vicaire judiciaire ?

Père Michel Cambon : Le vicaire judiciaire s’occupe des affaires de justice. Autrefois on le désignait sous le nom d’official, c’est-à-dire celui qui régit une officialité, autrement dit, un tribunal ecclésiastique. Jadis on en comptait un par diocèse. De nos jours, il en existe un seul au niveau de la province, d’où l’appellation d’official interdiocésain, au service de chaque diocèse de la province.

 Comment l’Église est-elle organisée sur le plan du droit ?

L’Église a fait du droit dès ses origines. Le Christ lui-même par exemple a énoncé le principe de l’indissolubilité du mariage. Saint Paul également est intervenu à ce sujet. Ce droit s’est enrichi au fur et à mesure des besoins. Ainsi en est-on arrivé au Corpus juris canonici ou Corpus iuris canonici, le Code de droit canonique (1) comprenant l’ensemble des textes constituant le droit canonique en vigueur entre 1582 et 1917. En 1917 a été établie une première codification restée en vigueur jusqu’à la promulgation d’un nouveau Code de droit canonique, le 25 janvier 1983 par le pape Jean-Paul II. Quelques modifications ont été apportées depuis cette date, concernant les procès matrimoniaux, notamment.

 Ce Code de droit canonique s’apparente-t-il à une sorte de règlement intérieur qui serait propre à l’Église ?

Ce n’est pas un règlement intérieur ! Il s’agit réellement du droit en vigueur qui régit la constitution de l’Église. Ce Code de droit canonique se compose de plusieurs livres (voir encadré). Les chrétiens sans s’en rendre compte vivent selon les règles du Code de droit canonique. Par exemple, les sacrements sont dispensés selon des règles bien précises… Quant au chapitre des sanctions, il comporte un large éventail de peines correspondant au degré de gravité de la faute commise. La majorité des gens n’ont entendu parler que de l’excommunication, mais il en existe bien d’autres… L’excommunication est une peine dite médicinale, à caractère temporaire, en vue de conduire une personne à s’amender. Il peut y avoir des sanctions beaucoup plus dures, que l’on appelle des sanctions expiatoires. Par exemple pour un prêtre, le renvoi de l’état clérical, correspond à ce que l’on appelait précédemment, la réduction à l’état laïc.

 Le Code de droit canonique, auquel est soumise l’Église de Cahors, est-il le même pour toute l’Église, au niveau international ?

Il existe deux Codes de droit canonique : l’un destiné aux catholiques de rite latin applicable à la quasi-totalité de l’Église à l’échelle de la planète et un second Code de droit canonique, somme toute assez récent (1990), comportant divers aspects, spécifiques aux Églises orientales.

Pourquoi une enquête a-t-elle été ouverte ?

 Le curé de la paroisse de la cathédrale, Ronan de Gouvello, a été « éloigné » selon le terme employé par l’évêque de Cahors. Qu’est-ce que cela signifie ?

Selon le canon (2) 1717, je lis : « Chaque fois que l’Ordinaire a connaissance, au moins vraisemblable, d’un délit, il fera par lui-même ou par une personne idoine, une enquête prudente portant sur les faits, les circonstances et l’imputabilité du délit, à moins que cette enquête ne paraisse totalement superflue ». Ce qui veut dire qu’à partir du moment où quelqu’un s’est plaint auprès de l’Ordinaire, en ce cas de figure l’évêque de Cahors, celui-ci s’est retrouvé contraint d’ouvrir une enquête préalable. J’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une enquête et non pas d’un procès ! Une dénonciation ne fait pas un coupable ! Cette enquête doit permettre de voir s’il y a eu réellement des fautes commises au regard du droit Canon et si celles-ci sont imputables à l’abbé de Gouvello. Pour l’heure, il s’agit seulement d’un acte d’administration.

 À qui est confié le soin de mener cette enquête préalable ?

Celle-ci pourrait être confiée au vicaire général, à un curé, un doyen, en tout cas un prêtre, mais en pratique c’est un juge du tribunal ecclésiastique de Toulouse qui en est chargé ; un prêtre extérieur au diocèse de Cahors, assisté d’un notaire, entendez par-là, un secrétaire, qui note. Son intervention consiste à vérifier si les faits dénoncés sont fondés et s’ils sont bien imputables à la personne soupçonnée de les avoir commis. Des mesures conservatoires entourent cette démarche, de manière à faciliter l’enquête, d’où l’initiative prise par l’évêque de Cahors « d’éloigner » l’abbé de Gouvello, le temps nécessaire au déroulement de cette enquête. Des circonstances d’une gravité avérée auraient pu conduire à des mesures plus radicales, mais tel n’est pas le cas.

 Vous indiquez qu’il s’agit de mesures conservatoires. Pour autant, l’abbé de Gouvello reste-t-il curé des paroisses de la cathédrale ?

Tout à fait ! L’abbé de Gouvello reste curé de Cahors, jusqu’à nouvel ordre, mais il a été prié, le temps du déroulement de cette enquête préalable, de s’éloigner du lieu d’exercice de son ministère.

 Combien de temps peut durer une telle enquête ?

Ceci relève de l’appréciation du juge-auditeur qui la conduit. Cela dépend du nombre des auditions qu’il doit mener, des éléments qu’il doit vérifier… jusqu’à ce qu’il soit en mesure de présenter ses conclusions à l’évêque. On peut s’attendre à ce que cela prenne plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

 Est-ce que l’abbé de Gouvello va être interrogé, dans le cadre de cette enquête préalable ?

Oui, à l’issue de l’enquête, il sera la dernière personne interrogée. On lui demandera de s’exprimer sur ce qui aura pu être relevé à son encontre. Il aura la possibilité de faire des déclarations ou de garder le silence.

Que se passera-t-il à la fin de cette enquête ?

 Qu’adviendra-t-il de ces conclusions ?

Elles seront remises à l’évêque, comme je l’évoquais précédemment et non pas jetées en pâture sur la place publique. La question n’est pas de cacher la vérité, mais de veiller à protéger la réputation des personnes. D’où les démarches engagées contenues dans une procédure.

Les conclusions de l’enquête détermineront la suite de la procédure

À l’issue de cette enquête, comment se poursuivra la procédure engagée ?

En fonction des conclusions de cette enquête préalable, cette procédure pourra s’éteindre. L’évêque prendra alors un décret en ce sens et on en restera là. Sinon, dès lors que ces conclusions mettraient en évidence des agissements susceptibles de donner lieu à des poursuites, c’est une autre étape qui commence.

 C’est-à-dire ?

En fonction du degré de gravité des faits rapportés dans les conclusions de l’enquête préalable, la situation pourrait déboucher vers un procès canonique, avec des juges, un promoteur de justice (équivalent du procureur), des témoins, des avocats… Je précise que la justice ecclésiastique repose sur l’écrit. On ne va pas se retrouver dans une salle d’audience avec des effets de manche ! Les personnes sont interrogées par oral bien sûr, mais tout est noté et consigné dans un dossier. Même les plaidoiries sont écrites. Tous les éléments du dossier seront envoyés au juge.

 Quel type de peine peut prononcer ce tribunal ?

Il y a des peines dites médicinales et des peines expiatoires. Les premières sont à caractère temporaire ; elles sont prononcées pour un temps donné. Par exemple pour un prêtre l’interdiction de célébrer les sacrements durant une période fixée, lui permettant de remettre les choses en ordre. Quant au renvoi de l’état clérical, il s’agit d’une peine expiatoire, qui est définitive. Et comme c’est le cas pour les affaires portées devant le tribunal correctionnel, il existe également un droit d’appel… Il peut arriver que le Vatican décide de délocaliser une affaire, auquel cas bien sûr elle serait jugée ailleurs qu’à Cahors ou Toulouse… Pour l’heure, la procédure évoquée se déroule sur Cahors et n’est portée à la connaissance du Vatican que si l’évêque de Cahors le juge utile.

 (1) Le Code de droit canonique ou droit canon est l’ensemble des lois et des règlements régissant le gouvernement de l’Église et de ses fidèles.

(2) Article du Code de droit canon.

Nomination d’un comité de pilotage provisoire
En l’absence de l’abbé de Gouvello, pour conduire les paroisses de Cahors, Pradines et Mercuès, Mgr Laurent Camiade a nommé un comité de pilotage provisoire. En voici les membres : Abbé Blaise Ngandoul, vicaire ; François Servera, diacre ; Barthélémy Khondé, diacre ; Monique Provensal, secrétaire paroissiale ; Éric Caillard (Équipe d’Animation Pastorale Mercuès) ; Marthe Grunenwald (EAP Pradines) ; Jeanne Dumont (900e anniversaire de la cathédrale) ; Damien Gouasdon (Parcours Alpha) ; Chantal Bonnemère (pastorale des adolescents et Conseil épiscopal) et Thérèse Péguin (coordinatrice des relais). L’abbé Matthias Leclair, doyen, accompagnera régulièrement cette équipe. Les autres prêtres et diacres continuent de participer activement à la vie de la paroisse.
« La mission du comité de pilotage est de faciliter la poursuite des projets paroissiaux, en bonne coordination, dans un esprit missionnaire et de consolidation de la communauté chrétienne, en docilité à l’Esprit Saint et dans la communion de l’Église » précise Mgr Laurent Camiade, évêque de Cahors.


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