
Les gens du voyage sur l’aire de camping-car (photo d’archives) (©Le Réveil normand)
Trop, c’est trop ! Les riverains de l’aire de camping-car de L’Aire, construite sur l’emplacement de l’ancien Aldi, en ont plus qu’assez de l’occupation illégale de ce lieu par des gens du voyage venant perturber leur tranquillité. La troisième ou quatrième fois depuis son ouverture.
Pour faire savoir leur exaspération, ils viennent d’envoyer une pétition accompagnée d’un courrier collectif au maire, à la préfète de l’Orne et à la députée Véronique Louwagie.
Mode de vie non compatible
« Durant ces périodes d’occupations illégales, rappellent les riverains, nous subissons un mode de vie non compatible avec la vie d’une petite agglomération » en s’appuyant sur des faits constatés et même des documents photographiques.
Cela passe par la découverte de déjections humaines devant les habitations jusqu’aux animaux égorgés à même le grillage. Chaque riverain de l’aire peut témoigner d’exemples pour illustrer ces incivilités. Et que dire de cette insécurité consécutive à la présence des gens du voyage. Cela se caractérise aussi par des comportements en voiture inadaptés… »
Une insécurité qui a connu son « pic » durant la nuit du 14 au 15 février 2019 avec la détonation de plusieurs coups de feu. La gendarmerie et les forces d’intervention rapide furent alors amenées à sécuriser les lieux pendant plusieurs heures.
Equité de traitement
Une « escalade » de violence qui a visiblement décidé les riverains à agir. « Que les choses soient claires » explique l’un d’eux, « il ne s’agit pas de blâmer ni de fustiger une population vis-à-vis d’une autre. Simplement, qu’il y ait une équité de traitement entre tous ! »
C’est d’ailleurs l’une des phrases clés de la pétition présentée aux élus aiglons : « La vie citoyenne octroie des droits et impose également des devoirs à chacun de nous dans une perspective de vivre ensemble ».

L’initiateur de la pétition n’a essuyé aucun refus de ses voisins (©Le Réveil normand)
Positionnement fort
Les pétitionnaires demandent « un positionnement fort des élus aiglons responsables de cette aire vis-à-vis de leurs concitoyens, et non des réponses timides repoussant seulement le problème. ». Apparemment plus facile à dire qu’à faire, semble-t-il.
Interrogé, Philippe Van-Hoorne, maire de L’Aigle, reconnaît que le sujet est non seulement sensible mais complexe et difficile à régler.
Une vieille famille aiglonne
« A L’Aigle, il y a deux types de gens de voyage : ceux qui voyagent et la famille Duval, une vieille famille aiglonne de gens du voyage qui revient sur L’Aigle aux Rameaux, à la Toussaint et quand il y a un décès. Les Duval font partie de l’histoire de L’Aigle. »
D’autres branches de cette lignée se sont sédentarisées à Soligny-la-Trappe et à Rugles mais ne s’entendent pas avec la branche aiglonne. Les coups de feu échangés dans la nuit du 14 au 15 février seraient dus à un différend familial.
Pourtant, avant cela, ça se passait plutôt bien, même si leurs « voisins » n’ont pas vraiment la même analyse. Le maire de L’Aigle a toutefois essayé de les déloger, mais sans succès, malgré un arrêté de mise en demeure pris par la préfecture le 18 janvier pour « stationnement illégal susceptible de provoquer des troubles à la salubrité, à la sécurité et à la tranquillité publique », confirmé par le tribunal administratif de Caen le 24 janvier 2019, les Duval ayant contesté l’arrêté.
« On cherche un compromis »
« Et quand ils ne veulent pas partir, vous faites quoi ? interroge Philippe Van-Hoorne. Vous allez louer des grues pour évacuer les caravanes ? Vous envoyez deux escadrons de gendarmerie pour les déloger au risque de provoquer des affrontements qui se termineront on ne sait pas comment ? Une autre tactique consiste en une sorte de chantage : OK, on quitte l’aire de camping-car mais on s’installe place de Verdun. Et nous, on recommence toute la procédure de zéro. Alors on cherche un compromis avec l’Etat [la préfecture] et la gendarmerie. »
Un compromis sous-entend pourtant une réciprocité. « On ne peut pas entrer en négociation avec des gens qui ne fonctionnent pas comme nous », objecte Mathieu*, l’initiateur de la pétition qui a rencontré le maire de L’Aigle vendredi 1er mars 2019.

Des excréments retrouvés devant la haie de riverains de l’aire de camping-car (©Le Réveil normand)
« Ça dépasse l’acceptable »
Ce dernier le reconnaît bien volontiers, la solution choisie n’est pas forcément satisfaisante pour les riverains « mais c’est la moins mauvaise », d’autant que la mère du chef de famille était hospitalisée à L’Aigle, et qu’il fallait aussi tenir compte de cette situation. « On les a autorisés à rester. De leur côté, le chef de famille s’est engagé à ne rien dégrader ». Mais les échanges de coups de feu ont changé la donne et la municipalité a exigé leur départ : « Ça dépasse l’acceptable, leur a-t-on dit », poursuit Philippe Van-Hoorne.
Deux poids, deux mesures
« Il y a quand même deux poids, deux mesures, constate Mathieu*. Quand on veut expulser un citoyen lambda, on ne prend pas en compte ses problèmes de grand-mère malade ou autre. Ça me paraît aberrant ».
Le dimanche suivant, après avoir récupéré leur parente hospitalisée, le groupe a bien quitté L’Aigle. « Tout était propre et ils ont réglé ce qu’ils devaient », assure le maire. « Les Duval jouent le jeu ».
Contrairement à ce qui est indiqué dans le courrier des riverains, rien n’aurait été dégradé, même pas le portail de l’aire de camping-car que les gens du voyage ont pourtant forcé. « Quand je vois toute l’eau qu’ils ont consommée et les branchements illégaux, je ne suis pas sûr que ce qu’ils ont réglé corresponde réellement à leurs dépenses », dénonce Mathieu*.
Une aire de 20 places
Et demain ? Ce qui est sûr, c’est que la famille Duval va revenir à L’Aigle, ne serait-ce qu’aux Rameaux (dimanche 14 avril 2019). Il existe bien, sur la commune de L’Aigle, une aire spécifique destinée à l’accueil des gens du voyage d’une capacité d’environ 20 places, gérée par la Communauté de communes des Pays de L’Aigle qui en a la compétence, mais les emplacements sont souvent occupés.
« Une chose est sûre, nous ne sommes plus prêts à subir ce que nous avons subi ces dernières semaines », avertissent les riverains de l’aire de camping-car qui réclame sa fermeture, même temporaire « si les élus ne sont pas capables de la gérer ».
Les esprits s’échauffent
Une décision qui ne ferait que déplacer le problème selon le maire. « Et si cette aire avait été implantée face à la résidence d’un élu, aurait-on attendu si longtemps pour régler le problème ? » rétorque Mathieu*.
Les esprits s’échauffent.
Affaire à suivre…
* Prénom d’emprunt