
Des catholiques de Toulouse ont décidé de faire « bouger l’Eglise » à travers une pétition en forme de lettre ouverte. (©Illustration/Pixabay)
C’est un petit pavé dans la mare que des catholiques du diocèse de Toulouse ont décidé de jeter. Jeudi 4 avril 2019, sept laïcs, catholiques de longue date, ont écrit une lettre ouverte en forme de pétition à l’attention de la Conférence des évêques de France. La CEF tenait son Assemblée à Lourdes (Hautes-Pyrénées) et a élu son nouveau président, Mgr Eric de Moulins-Beaufort, mercredi 3 avril 2019.
« Nous, catholiques de base… »
Ils s’appellent Anne et Didier Reboux, Anne-Marie et Pierre Garrigue, Marie-Christine Monnoyer (enseignante à l’Institut catholique de Toulouse), Annie Dreuille et Véronique Billard. Les derniers scandales autour de l’Eglise, notamment sur les questions de pédophilie, ou l’affaire Barbarin, ont poussé ces Toulousains à bousculer un univers peu habitué aux agitations.
Voici ce qu’ils écrivent, entre autres, dans cette Lettre ouverte :
Si les catholiques sont plutôt dociles, c’est parce qu’ils ont été habitués à s’en remettre aux prêtres. Il n’y a pas suffisamment de coresponsabilité ni de culture de débat, voire de réflexion, dans de nombreux diocèses. Nous, catholiques de base, souhaitons participer à une démarche de vérité et de liberté car beaucoup de gens quittent l’Eglise. Nous souhaitions quelque chose de neuf pour redonner du punch car nous sommes en ruines.
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« Le silence complice n’est plus admissible »
Anne Reboux, qui fut chargée de la communication dans le diocèse de Toulouse entre 2008 et 2014, fait partie des « frondeuses ». Selon elle, le « renouveau » de l’Eglise passera forcément par les laïcs. « Nous avons tendance à nous taire. Mais masquer les choses, le silence complice, ce n’est plus admissible. L’émission d’Arte sur les soeurs abusées a été la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Nous avons besoin d’ouverture et non de paroisses classiques, tournée essentiellement vers la liturgie, repliée sur les rituels et l’identitaire. L’Eglise doit être davantage pilotée par les laïcs ».
Annie Dreuille explique son appartenance « à une génération habituée à être obéissante aux prêtres. Mais aujourd’hui, nous sommes dans une spiritualité qui ne correspond pas à tout le monde. Où est la culture du débat dans l’Eglise ? ».
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Les initiateurs de la pétition réclament au diocèse de Toulouse, et à l’Eglise en général, de « prendre davantage en compte les réalités de la société et de l’environnement local, partager librement les ressources d’une spiritualité et d’une fraternité, inspirées par le message et la personne de Jésus-Christ et mettre à profit des outils, déjà proposées par le pape François, pour vivre le message de l’Evangile ».
Des Fablabs cathos ?
Mais leur proposition phare reste la création de lieux ouverts d’accompagnement, en-dehors des églises et des presbytères. Les explications d’Anne Reboux :
Des gens sont choqués par les attitudes de rejet de l’Eglise, comme les chrétiens divorcés et remariés. Nous suggérons que dans chaque diocèse, des catholiques de base se tournent vers leur évêque pour lui demander de mettre à disposition des lieux pour faire du neuf. Pourquoi pas créer des Fablabs, comme dans le domaine scientifique ou technologique ? L’Eglise doit être un laboratoire.
Le diocèse de Toulouse pointé du doigt
Dans la pétition, le diocèse de Toulouse est nommément pointée du doigt, au-delà du message global portant sur l’Eglise. « Nous avons constitué un dossier conséquent sur des dysfonctionnements, parfois graves, observés dans le diocèse de Toulouse – autoritarisme, abus de pouvoir, harcèlement« , critiquent les sept instigateurs de la lettre.
Contacté, l’archevêché n’a « pas de commentaires à faire » sur les accusations des pétitionnaires. Hervé Gaignard, le vicaire général du diocèse de Toulouse :
Les mots utilisés sont beaucoup trop forts et il n’est pas rare de de recevoir des pétitions de ce genre à l’archevêché. Ces personnes ont déjà été reçues par Mgr Le Gall (l’archevêque de Toulouse, ndlr). De plus, ces accusations ne sont pas étayées.
Bientôt une Maison des familles
Réfutant un « repli de l’Eglise », et évoquant plutôt « une difficulté sociale, des phénomènes de peur » et reconnaissant une diminution du nombre de chrétiens, Hervé Gaignard indique que des projets semblables à ceux réclamés dans la lettre ouverte sont en cours dans la Ville rose. « Dans les prochaines années, nous allons ouvrir une Maison des familles, qui sera un lieu ecclésial, géré par des laïcs, au sein du sanctuaire Saint-Jérôme. Ce ne sera pas une paroisse mais lieu centré sur l’écoute des couples ».
Jeudi 18 avril 2019, l’archevêque de Toulouse doit annoncer aux prêtres l’ouverture d’un accueil dédié aux chrétiens divorcés et remariés « pour aider à réfléchir à leur place dans l’Eglise ».
Suffisant pour calmer la fronde des catholiques toulousains ? Mardi 9 avril 2019, plus de 200 personnes avaient signé la pétition en ligne.