
Des familles de victimes ont annoncé leur intention de porter plainte contre l’Ehpad du Lherm, au sud de Toulouse. (©Actu Toulouse/Anthony Assémat)
C’est une onde de choc qui traverse le « gros » village du Lherm (3700 habitants), au sud de Toulouse. Dimanche 31 mars, cinq personnes âgées de 75 à 95 ans sont décédées dans l’Ehpad (Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) de La Chêneraie. En cause, selon toute vraisemblance : une intoxication alimentaire suite au repas du soir. 16 autres personnes ont été hospitalisées, et trois d’entre elles ont pu regagner la maison de retraite dans la journée du lundi 1er avril 2019.
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Une enquête ouverte
Le parquet de Toulouse a ouvert une enquête pour « homicide involontaire et blessure involontaire » et l’enquête devra déterminer si les repas étaient préparés en interne ou apportés de l’extérieur. L’enquête a été confiée à la Section des recherches de la gendarmerie de Toulouse et à la Brigade des recherches de la Compagnie de gendarmerie de Muret (Haute-Garonne), tandis qu’une cellule d’écoute avait été mise en place par les pouvoirs publics dans la salle des fêtes de la commune, animée par l’association France Victime 31.
« Nous devons éviter que cela puisse se reproduire », a relevé pour sa part le préfet d’Occitanie Etienne Guyot, évoquant un « drame épouvantable ».
Dans le cadre de l’enquête, menée en coordination avec l’Agence régionale de santé (ARS), « des prélèvements à visée d’analyse toxicologique et biologique ont été réalisés », tandis que « l’autopsie des victimes sera pratiquée dans les prochaines heures » a précisé le procureur la République de Toulouse, Dominique Alzeari.
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La salade périgourdine mixée pointée du doigt
Le repas du soir est pointé du doigt par les familles de victimes ou de personnes qui ont dû être hospitalisées. Exemple avec Huguette Heroux. Antoinette, sa belle-mère âgée de 90 ans, a été prise de violents vomissements et de diarrhée et a dû être hospitalisée à Rangueil, à Toulouse. « J’étais là au moment de la fin du repas et au menu d’hier, il y avait de la soupe, de la salade périgourdine mixée et du fromage. Et ma belle-mère n’a pas mangé de la soupe… Elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer, elle n’a pas mesuré ce qui s’est passé », indique-t-elle. Huguette a été tenue au courant par la préfecture à 22h35.
Les repas préparés en interne ou livrés à l’extérieur ?

Huguette, la DGS de la mairie du Lherm, va porter plainte contre l’Ehpad. (©Actu Toulouse/Anthony Assémat)
Des informations contradictoires circulent sur la qualité de l’alimentation et la façon dont les plats ont été préparés et servis. « Pour nous, les repas sont confectionnés sur place, ou alors on ne nous a pas avertis de ce changement-là », indique Huguette.
>> En vidéo : le témoignage d’Huguette <<
Pour Marie, infirmière dont le papa de 78 ans est résident à la Chêneraie depuis le mois de novembre 2018, le son de cloche est bien différent. « Les repas sont préparés en interne… mais sauf hier, car ils ont été livrés de l’extérieur. Ont-ils été réchauffés ? », questionne-t-elle devant l’établissement, furieuse d’avoir appris les événements « par la télévision ».
« Le risque zéro n’existe pas »
« Nous n’avons pas eu connaissance du fait que le repas de dimanche soir ait été apporté de l’extérieur » et « dans une période récente, de signalements ou de plaintes, qui soient significatifs, même si cela ne préjuge de rien », a indiqué à l’AFP le directeur général de l’Agence régionale de Santé (ARS) Occitanie, Pierre Ricordeau.
Pour André Belloc, président de Restau’Co, un réseau interprofessionnel de restauration collective, « la restauration en Ehpad est un des systèmes de restauration les plus techniques et difficiles, mais dans lequel malheureusement le risque zéro n’existe pas ».
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3000 euros par mois en unité Alzheimer

Emmanuel, qui est arrivé de Franche-Comté après l’annonce du décès de sa mère, dénonce une situation « plus tendue » avec la direction de La Chêneraie. Lui aussi devrait porter plainte. (©Actu Toulouse/Anthony Assémat)
Emmanuel Courvoisier est descendu dans la nuit de Franche-Comté pour rejoindre ses deux soeurs. Suzette, sa mère, avait 75 ans et souffrait d’Alzheimer. Elle résidant à la Chêneraie depuis quatre ans. Il payait 3000 euros par mois « pour assurer à une fin de vie digne à maman ». Emu et digne, lui n’a pas d’avis sur la composition du repas, même s’il confirme que sa mère mangeait des produits mixés. Après plusieurs minutes passées avec la cellule psychologique, il a tenu à « rendre hommage aux personnels d’animation ». Avant de dénoncer la gestion de la direction :
La situation était plus tendue avec la direction ces derniers temps. Elle voulait l’enlever de l’unité Alzheimer, où il y a le plus d’encadrement en estimant qu’il y avait trop de bruit pour elle. Ce n’est pas ce qu’on recherchait. Nous faisons confiance à une maison de retraite, ce n’est pas pour que maman finisse intoxiquée. Je suis en colère.
>> Le témoignage d’Emmanuel, qui a perdu sa mère de 75 ans <<
Dès le matin du lundi 1er avril, Alain Lapeyre, le fils d’une nonagénaire décédée, avait indiqué sa volonté de porter plainte contre l’établissement et d’entrer en contact avec les autres familles de victimes. « Moi aussi, probablement, explique Emmanuel à Actu Toulouse. Porter plainte est la seule façon d’avoir accès au dossier ».
La DGS de la mairie va porter plainte
Huguette va déposer plainte en toute certitude. Une position qui pourrait faire jaser dans cette ville de 3700 habitants, Huguette Heroux n’étant ni plus ni moins que… la directrice générale des services (DGS) de la mairie du Lherm, dirigée depuis 1996 par Jean Ayçaguer. « Je suis choquée et en colère. Je vais porter plainte, c’est un minimum, car ce qui s’est passé est juste pas normal, surtout si c’est un problème d’hygiène. Même si ma belle-mère se sent bien dans cette maison de retraite et qu’elle s’y sent bien ».
Antoinette doit revenir à la Chêneraie dès que son état de santé le lui permettra. Au Lherm, le prochain conseil municipal prévu jeudi 4 avril 2019 sera celui du deuil collectif, du recueillement, des débats. Et des questions pour l’instant sans réponse autour d’un établissement a priori sans histoire et pas plus en difficulté qu’un autre…
avec AFP