
Jozeline Delamarre ne s’attendait pas à avoir une réponse lorsqu’elle écrivait son courrier au président en novembre dernier…
Lorsqu’elle écrivait à Emmanuel Macron, en novembre dernier, Jozeline Delamarre était sans illusions… « Je vous fais une lettre que vous lirez peut-être si vous avez le temps », commençait-elle d’ailleurs son courrier. Elle a pourtant eu la surprise, en rentrant de l’hôpital où elle devait subir une opération, de trouver dans son courrier la réponse du président de la République…
« Monsieur le président, j’ai 78 ans ! »
Ancienne présidente des Aînés ruraux de Seine-et-Marne (de 2001 à 2013) et autrefois ouvrière syndiquée dans la métallurgie, elle n’avait pas caché pas sa grande colère à Emmanuel Macron (Le Pays Briard du 30 novembre 2019). « Je suis une de ces personnes que vous avez qualifiée dans certains de vos discours, tour à tour d’irréductibles Gaulois, de fainéants, d’alcooliques, de nantis… J’en oublie car les épithètes dont vous avez affublé « le peuple français » sont nombreuses. Que dire du mépris dont vous faites preuve à l’égard de celles et ceux qui vous ont élus ? Je soutiens le mouvement des « gilets jaunes », et vous reproche comme beaucoup de ne pas être attentif aux cris du peuple », lui disait-elle avant de souligner sa situation personnelle : « Monsieur le président, j’ai 78 ans ! Dans l’un de vos discours préélectoraux, vous avez « promis » de garantir le revenu des retraités ! Or l’une de vos premières actions a été la hausse de la CSG… qui ne devait toucher que les retraites supérieures à 1 200 € ! Dans mon cas personnel, j’avais moins de 1 200 € de retraite, et pourtant, j’ai été impactée par cette hausse de la CSG ! Maintenant, vous aller vous attaquer aux pensions de réversion ! Qui seront encore les plus pénalisées ? Les femmes ! Une veuve n’ayant pas ou peu travaillé se retrouvera donc sans ressources ? »
« Je comprends votre démarche »
Le 31 décembre, le président de la République lui répondait pourtant : « Vous m’avez adressé un courrier dans lequel vous me faites part de votre situation, mais aussi d’un sentiment de colère. Je vous remercie d’avoir pris malgré tout la peine de m’écrire. Je crois en effet aux vertus du dialogue et je veux que vous sachiez que je respecte profondément votre point de vue. Plus encore, je comprends votre démarche, et votre sentiment de devoir toujours fournir plus d’efforts sans toujours en voir les résultats », commence le président.
Et Emmanuel Macron explique ensuite la situation générale telle qu’il l’analyse : « La réalité, c’est que nous devons mener de front trois grandes transformations. D’abord, le redressement économique de notre pays, afin que le travail paie mieux – car il n’y a rien de plus insupportable à mes yeux que la situation de celles et ceux qui, alors qu’ils travaillent, n’en tirent pas un revenu suffisamment important pour vivre dignement. Ensuite, la réconciliation sociale entre les Français qui ont à juste titre le sentiment de subir leur vie et ceux qui donnent l’impression que tout leur réussit. Et enfin, la transition écologique sans laquelle notre avenir collectif est en péril. »
« Il y a une colère légitime, la vôtre »
Jozeline Delamarre s’étant déclarée solidaire du mouvement des Gilets jaunes, Emmanuel Macron lui dit que « nous venons de vivre une période agitée par des blocages et des violences inadmissibles. Mais je n’oublie pas qu’au début de tout cela il y a une colère légitime, la vôtre. » Et il ajoute un peu plus loin : « Mais ce malaise est plus profond : c’est le sentiment de ne plus vous en sortir et de subir des décisions sur lesquelles vous n’avez pas de prise. » Il explique donc pourquoi il a annulé la hausse des taxes sur le carburant : « Aucune taxe ne mérite que la Nation se déchire. Le gouvernement a donc annoncé l’annulation de l’augmentation de la taxe sur le carburant, et qu’il n’y aura pas de hausse des tarifs du gaz et de l’électricité, qui devaient initialement augmenter début janvier, pendant la durée du débat que mènera le gouvernement. »
« Je ne sais pas si je vous ai convaincue »
Avant d’annoncer le grand débat national et sa lettre de cadrage, Emmanuel Macron rappelle les mesures de son « état d’urgence économique et social » : « Annulation en 2019 de la hausse de la CSG subie cette année par les retraités entre 1 200 et 2 000 euros par mois ; En 2019, les heures supplémentaires seront versées sans impôts ni charges ; Les employeurs pourront verser une prime de fin d’année qui n’aura à acquitter ni impôt ni charge ; Le revenu d’un travailleur vivant du Smic augmentera au total de 10 euros par mois, sans qu’il en coûte un euro de plus à l’employeur, et cela dès 2019. »
Après avoir invité Jozeline Delamarre à participer au grand débat, le président conclut : « Je ne sais pas si je vous ai convaincue. J’espère que vous conviendrez malgré tout que notre pays, notre nation, sont à un moment de bascule. Et qu’il est de la responsabilité de tous de transformer les colères en solutions pour chacun. »
Jozeline Delamarre commente sobrement cette réponse : « Je pense que ce sont des lettres types, mais enfin, j’ai eu la chance d’en avoir une. Il est de temps en temps à l’écoute, le président. »
Comme quoi, le dialogue…
Jean-Michel ROCHET
Sur Twitter : @JMRochet